CUBA DANS L’HISTOIRE DE LA VOITURE
CUBA DANS L’HISTOIRE DE LA VOITURE

CUBA DANS L’HISTOIRE DE LA VOITURE

Du laboratoire commercial à la mémoire roulante : Cuba et la Voiture

L’histoire de l’automobile à Cuba ne se résume pas à ses célèbres « almendrones » colorés qui sillonnent encore les rues de La Havane. Elle commence bien avant la Révolution. Ceci dans un contexte de modernisation urbaine, d’élite cosmopolite et de liens étroits avec l’Europe et les États-Unis. Cuba fut l’un des premiers territoires d’Amérique latine à accueillir l’automobile. Son rôle dans l’histoire mondiale du secteur est à la fois pionnier, expérimental et mémoriel.

Les débuts : José Muñoz et la Parisienne (1898) à Cuba

José Muñoz fut l’importateur du premier véhicule automobile à circuler dans La Havane. Il était décembre 1898, José, un homme d’affaires cubain ayant passé les années de la deuxième guerre d’indépendance à Paris débarqua à La Havane avec La Parisienne. Il se fait séduire par les débuts de l’industrie automobile française, et ramène un modèle de la marque La Parisienne. La voiture dotée d’un moteur monocylindre à essence était capable d’atteindre 12 km/h.

Muñoz ne se contente pas d’un usage personnel et il devient le représentant exclusif de La Parisienne à Cuba. Tout en espérant lancer un marché local, il verra échouer son initiative. Son véhicule, qui coûtait environ 6 000 francs français, devient une publicité mobile pour son projet commercial. Bien que son initiative soit visionnaire, elle reste marginale : peu de ventes suivent, et le marché reste embryonnaire.

Ernesto Sarrá et la démocratisation de l’usage de la voiture

En juin 1899, Ernesto Sarrá, pharmacien influent et propriétaire de la prestigieuse Farmacia Sarrá, importe un Rochet-Schneider depuis Lyon. Ce modèle, plus puissant (8 chevaux), atteint 30 km/h et coûte 4 000 pesos cubains. Contrairement à Muñoz, Sarrá utilise son véhicule régulièrement, notamment pour des excursions vers Güines, et inspire l’élite havanaise à adopter l’automobile comme outil de distinction sociale.

Son usage quotidien, son prestige et sa visibilité dans les rues font de lui le véritable catalyseur de la culture automobile cubaine. À partir de là, les importations se multiplient, d’abord depuis la France, puis massivement depuis les États-Unis.

L’âge d’or

Entre les années 1920 et 1958, le pays devient l’un des marchés automobiles les plus dynamiques du continent. En 1958, l’île est le sixième pays au monde en nombre de voitures par habitant, avec plus de 180 000 véhicules, principalement américains.

Voiture Ford à Cuba
Vieille voiture à Cuba

Les constructeurs américains ont utilisé Cuba comme laboratoire commercial : des prototypes y sont testés, des modèles y sont lancés avant leur diffusion continentale. Les ailes arrière des Cadillac et Buick atteignent des proportions extravagantes, influencées par les goûts cubains. Des concessions officielles, des garages spécialisés et des clubs automobiles fleurissent à La Havane.

Rupture entre Cuba les USA, Révolution et embargo

La Révolution de 1959 bouleverse cet écosystème. Le gouvernement nationalise les concessions, confisque les biens privés, et interdit l’importation de véhicules. En 1962 l’embargo commercial américain a interdit aussi, toute importation de voitures et de pièces détachées. C’est ainsi que marché automobile cubain a été figé.

Les voitures déjà présentes deviennent des reliques mécaniques. Privés de pièces, les Cubains développent une culture de la réparation extrême : moteurs soviétiques, pièces artisanales, recyclage de matériaux. Chaque voiture devient un patchwork technologique, une œuvre de survie mécanique.

Ingéniosité et patrimoine

Chauffeur-bricoleur à Cuba

Aujourd’hui, environ 50 000 voitures classiques circulent encore à Cuba, souvent utilisées comme taxis ou véhicules touristiques. Elles sont maintenues en vie par des mécaniciens autodidactes. Ils fabriquent des pièces à la main et réinventent des systèmes entiers. Ces véhicules sont devenus des archives roulantes, témoins d’une époque figée par la géopolitique.

Le rôle dans l’histoire mondiale de la voiture

l’île antillaise n’a jamais produit de voitures, mais elle a influencé leur design, leur diffusion et leur réception. Elle fut un terrain d’essai, un marché stratégique, puis un sanctuaire mécanique. Dans un monde tourné vers l’innovation, ce pays rappelle que l’histoire de l’automobile est aussi faite de ruptures, de mémoire et de résilience.